Humains et animaux sauvages : éviter les lieux communs ?
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Épisode 1 | Humains et animaux sauvages : ce qui a mué.
Propos introductifs par Sergio Dalla Bernardina, ethnologue, Université de Bretagne Occidentale : entre crainte et fascination, regard sur la faune sauvage.
Épisode 2 | Humains et animaux sauvages : éviter les lieux communs ?
Un peu partout, les animaux sauvages n’ont plus guère lieux d’être : ainsi, la réduction de leurs habitats induit une proximité avec les humains, souvent source de conflits. Entre nouvelles modalités de cohabitation et nécessaire remise à distance, quel juste milieu trouver ?
Ours, loups, renards, lynx, bouquetins, sangliers, sans parler des oiseaux, insectes et amphibiens… Les habitats de tous ces animaux ont été bouleversés par les activités humaines, de l’agriculture à l’urbanisation en passant par les loisirs. En France, comme ailleurs, les animaux sauvages n’ont plus guère « lieux » d’être.
Protégés ou réintroduits pour pallier l’effondrement de la biodiversité, ils continuent de se heurter à des milieux déjà occupés, où leur présence crée de nouveaux conflits de voisinage. Au plus près des humains, des cheptels ou des cultures, ils sont accusés de maints dégâts, attaques et transmissions de maladies.
Le sort réservé à ces fauteurs de troubles économiques, politiques et/ou sanitaires ? Bien souvent effarouchements ou abattages. Un constat qui, pour les uns, doit amener à réfléchir à de nouvelles modalités de cohabitation quand d’autres prônent la coexistence voire un éloignement radical, une remise à distance de ces animaux au sein de territoires exclusivement dédiés. Alors, entre présence humaine et faune sauvage, y a-t-il une bonne distance, ni trop proche, ni trop lointaine ?
Avec
Sergio Dalla Bernardina, ethnologue, Université de Bretagne Occidentale;Ruppert Vimal, géographe, université Toulouse-Jean-Jaurès (GEODE-CNRS) ;
Joëlle ZASK, philosophe et notamment auteure de Zoocities (Premier Parallèle, 2020) et de Face à une bête sauvage (Premier Parallèle, 2021) ;
François MOUTOU, vétérinaire et épidémiologiste, ancien directeur adjoint du laboratoire Santé animale de l’ANSES et
Béatrice KREMER-COCHET, membre du conseil d’administration de l’Association pour la protection des animaux sauvages (ASPAS) et coautrice avec Gilbert Cochet de « L’Europe réensauvagée » (Actes Sud, 2022).
Cette rencontre-débat appartient au cycle Borderline, une série de podcast coproduits par la Mission Agrobiosciences-INRAE et le Quai des savoirs
Sergio Dalla Bernardina
Anthropologue italien, Sergio Dalla Bernardina enseigne l’ethnologie à l’Université de Bretagne Occidentale et dirige à l’EHESS le séminaire « De l’humain animalisé au vivant humanisé ». Après s’être intéressé à l’univers de la chasse et au rapport à la nature dans la tradition occidentale puis, plus récemment, dans les sociétés non-occidentales, l’anthropologue a jeté son dévolu sur les rapports humains – non humains, en particulier la frontière qui parfois les unit, parfois les sépare. Outre ses responsabilités universitaires, il est également membre titulaire de l’Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (IIAC) et du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques (CTHS). Fidèle chroniqueur de la revue Sesame [1], notons qu’il alimente aussi depuis 2015 le blog « L’animal comme prétexte » [2] : une succession quasi quotidienne de chroniques, un brin décalées, liées à ses publications et à l’actualité. Parmi les nombreux ouvrages qu’il a publiés, signalons enfin « Faut qu’ça saigne ! Écologie, religion et sacrifice » (Éditions dépaysage, 2020), « La langue des bois » (Natures en Sociétés, 2020), sans oublier la direction de « De la bête au non-humain : perspectives et controverses autour de la condition animale » (Éditions du CTHS, 2020).
Béatrice Kremer-Cochet
Agrégée de Sciences de la vie et de la Terre, Béatrice Kremer-Cochet a la nature chevillée au corps. Photographe nature, c’est en parcourant le monde aux côtés de son mari Gilbert Cochet, lui-aussi naturaliste, qu’elle constate combien le rapport au sauvage s’est distendu au sein du vieux continent, contrairement à d’autres contrées.
Vulgarisatrice avec son compagnon du concept de rewilding ou réensauvagement, elle s’engage dans plusieurs associations œuvrant pour la préservation du monde sauvage, telles que Forêts sauvages dont elle assure la vice-présidence ; l’ASPAS, l’association pour la protection des animaux sauvages, connue pour ses réserves de Vie Sauvage ® et, plus récemment, l’association Francis Hallé pour la forêt primaire dont elle est l’un des membres fondateurs. Le couple y insuffle notamment le principe de libre évolution de ces espaces qui proscrit toute intervention humaine.
Elle est l’autrice, avec son mari Gilbert Cochet, de « L’Europe réensauvagée : vers un nouveau monde » (Actes Sud, 2020).
François Moutou
François Moutou est vétérinaire et épidémiologiste. Ancien directeur-adjoint du laboratoire santé animale de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) et ancien membre du comité d’éthique de l’Inserm, il est aujourd’hui vice-président de la Société nationale de protection de la nature et membre du comité consultatif national d’éthique du Muséum national d’histoire naturelle. Fort d’une grande expertise sur la gestion des épizooties et des zoonoses, François Moutou a non seulement suivi au long cours des dossiers épineux comme la fièvre aphteuse et la grippe aviaire mais aussi publié des ouvrages de référence en la matière. Mentionnons, pour les plus récents, « Des épidémies, des animaux et des hommes » (Le Pommier, 2020), « Adopte un virus.com : Quand les microbes passent de l’animal à l’homme » (Delachaux et niestlé, 2021) ou encore « Les zoonoses : ces maladies qui nous lient aux animaux » (Quae, 2021), qu’il signe avec Gwenaël Vourc’h, Serge Morand et Elsa Jourdain.
Ruppert Vimal
Chargé de recherche CNRS, Ruppert Vimal est géographe de l’environnement au laboratoire GEODE de l’université Toulouse-Jean-Jaurès. Depuis sa thèse « Des aires protégées aux réseaux écologiques : science, technique et participation pour penser collectivement la durabilité des territoires », soutenue en 2010, il poursuit des recherches à l’interface entre l’écologie, la géographie et l’étude des sciences. Notamment intéressé par les grands mammifères, grands singes africains et carnivores européens, il initie en 2019 le projet de recherche « Pastoralisme et Ours dans les Pyrénées ». L’objectif ? Comprendre, à l’échelle microlocale, les interactions entre pratiques pastorales des transhumants et comportement de l’ours. Pendant la pandémie de covid-19, il s’interroge avec une équipe de chercheurs à la façon dont le confinement avait pu, en France, modifier les relations quotidiennes des humains avec les autres êtres vivants.
Joëlle Zask
Pragmatisme, démocratie participative et écologie, c’est la règle de trois de Joëlle Zask, professeure de philosophie à l’Université d’Aix-Marseille. Après avoir consacré ses premiers travaux au philosophe pragmatiste John Dewey, dont elle traduit en français les ouvrages majeurs, elle est l’une des premières en France à s’intéresser aux conditions de la participation démocratique et publie, en 2011, l’ouvrage « Participer : essai sur les formes démocratiques de la participation » (Le Bord de l’eau). C’est surtout à partir de 2019 que la philosophe s’empare des questions liées à la crise écologique et aux rapports que nous entretenons avec la faune sauvage : « Quand la forêt brûle. Penser la nouvelle catastrophe écologique » (Premier Parallèle, 2019), lui vaut en 2020 le prix Pétrarque de l’essai. Signalons enfin, aux éditions Premier Parallèle, les parutions récentes de « Zoocities. Des animaux sauvages dans la ville » (2020), « Face à une bête sauvage » (2021) ou encore « Écologie et démocratie » (2022). Pour ses apports éminents dans le champ académique, Joëlle Zask est promue Chevalier de la Légion d’honneur en janvier 2022.