Une soirée inédite s’est déroulée au Quai des Savoirs à l’occasion du Printemps de l’Esprit Critique. Un tribunal a été reconstitué avec sur le banc des accusés : l’intelligence artificielle ! Témoignages, expertises, accusation et défense ont éveillé l’esprit critique de toute une audience autour des questions éthiques de la place de l’IA dans le monde artistique et des médias.
Un vrai-faux procès
Le 21 Mars 2024 à 18h30, un vrai-faux procès prenait forme dans l’agora du Quai des Savoirs en duplex avec la médiathèque de Millau. Laurent Chicoineau, directeur de l’établissement, invitait le public à se mettre dans la peau des jurés de l’affaire “intelligence artificielle générative”. L’arrivée des membres de la Cour composée d’un vrai magistrat, d’une procureure et d’un avocat de la défense sonnait l’ouverture de ce tribunal.
« L’audience est ouverte, vous pouvez vous asseoir. »
Jean-Claude Bardout, magistrat au tribunal judiciaire de Toulouse, a rappelé les faits en précisant que “les premières applications de l’IA en matière de journalisme remontent aux années 2000”, et a énoncé les 7 chefs d’accusation imputés à l’IA lors de la lecture de l’ordonnance de mise en accusation. Parmi eux, la mise en danger du métier de journalisme, la création de fausses informations ou encore la complicité de discriminations par la diffusion de stéréotypes.
Artistes, journalistes, chercheurs et chercheuses dans la peau des témoins, experts et expertes
Sourires et stupéfaction sur les visages à l’apparition de l’avatar de Thomas Huchon, 1er témoin à la barre ; journaliste spécialiste du web et des infox il a ensuite livré de vive voix son témoignage. Selon lui, il est essentiel de se questionner sur la responsabilité de “celui qui diffuse” en ajoutant que l’IA “n’est pas autre chose qu’un outil”.
Dominique Boullier, Professeur des universités en sociologie à Sciences Po Paris, second témoin, a mis en lumière les points faibles du système éducatif à l’ère de l’IA et a suggéré des perspectives d’évolution en prônant plutôt l’intelligence collective. Le procès s’est suivi avec l’intervention de Daniel Fallet, ancien journaliste et professeur spécialiste de la transformation des médias, son expertise a permis de démystifier l’IA, car selon lui l’automatisation de l’information par des IA relève encore de la science-fiction !
Nathalie Aussenac, directrice de recherche CNRS à l’Institut de Recherche en Informatique de Toulouse a considéré que “Pour le moment, l’IA ne met pas en danger le journalisme, bien qu’elle l’oblige à se renouveler” et a montré à travers des exemples, que l’IA est pour l’heure une aide à la création et à l’innovation tout en rappelant l’importance d’un contrôle humain.
Et qu’en est-il du point de vue des artistes ? Karin Crona, artiste suédoise basée à Paris, a témoigné de son utilisation de l’IA pour lutter contre les stéréotypes sociaux, de genre notamment. Marion Carré, auteure et artiste, a fait part à la barre du rôle de l’IA comme un outil de créativité et de transmission des savoirs, avec l’exemple concret d’AskMona, son entreprise, pionnière dans l’utilisation de l’IA pour proposer de nouveaux accès à la culture.
Le public donne son verdict
Avant de rendre son jugement, le public a pu entendre les déclarations de l’accusée incarnée par Anne Kerdi, une IA créée par Sébastien K. Suite au réquisitoire de l’accusation et à la plaidoirie de la défense portés respectivement par Marine Bardy et Alistair Freeman, 2e et 3e secrétaires de la Conférence du Barreau de Toulouse, c’est finalement un argument de taille souligné par Mr Freeman qui mènera au dénouement de l’affaire :
L’intelligence artificielle est désignée irresponsable !
Découvrez le dossier du tribunal
Retrouvez ci-dessous le dossier complet Les minutes du tribunal de l’IA (pdf) regroupant les retranscriptions de tous les intervenants et intervenantes, leur biographies, ainsi que les pièces à convictions, le tout illustré par Pierre Maurel, dessinateur de BD et Emmanuel Grimault, photographe.
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